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Arsenal, contrôle d’identité

Par Douglas de Graaf
Arsenal, contrôle d’identité

Une possession à outrance, mais une défaite désespérante contre Tottenham dimanche dernier (1-2), une étonnante solidité mentale pour renverser Liverpool, puis tenir la victoire en garant le bus mercredi (2-1)... Les récents jours de la vie des Gunners n’ont fait que confirmer une impression tenace depuis la prise de pouvoir de Mikel Arteta : celle qu’Arsenal ne sait toujours pas sur quel pied danser, et ce, alors que le technicien basque avait promis de ramener au plus vite une identité tranchée au troisième club le plus titré d’Angleterre. Mais à y regarder de plus près, les subtils indices de changement commencent à moucheter l’ensemble par petites touches. Alors, la révolution artetienne, c’est pour aujourd’hui ou pour demain ?

Samedi 18 juillet à 20h45
FA Cup – Demi-finale
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Dans la grisaille morose qui se déploie autour de la tête d’Arsenal depuis des années, un rayon de soleil semble pointer le bout de son nez. Est-ce le même qui avait coïncidé avec l’arrivée de Mikel Arteta dans le nord de Londres, fin décembre ? Il s’agit plutôt du prolongement de ce dernier. Quand bien même le jeune entraîneur de 38 ans n’a pas encore débarrassé Arsenal de ses maux principaux, un optimisme nouveau semble irradier une flopée de fans des Gunners. Et l’étonnant succès acquis contre Liverpool (2-1), mercredi, n’a que peu de choses à voir avec cela.

Certes, les Gunners ont fait valoir contre les Reds une hardiesse mentale qu’on ne leur connaissait guère, en ne se démontant pas après l’ouverture du score puis en continuant de pousser le golgoth scouser à la faute. Les Canonniers ont aussi stupéfait jusqu’à leurs propres suiveurs en se révélant capables de tenir le score et de ne pas craquer dans les dix dernières minutes, comme ils adorent le faire habituellement. Mais les puristes n’ont définitivement pas pu se satisfaire d’un tel fouillis et d’un tel reniement d’identité, qui ont vu les Gunners patauger dans 35% de possession, aligner trois misérables tirs (contre 24 pour Liverpool) et s’arc-bouter autour de leurs cages pendant l’intégralité de la deuxième période. Pour les idéaux de possession fluide, de construction depuis l’arrière et d’eros offensif voulus par Arteta, on repassera.

Un 5-2-1-2 à Arsenal : folie ou génie ?

Alors comment expliquer que les fans d’Arsenal préfèrent afficher un début de sourire plutôt que leur sempiternel rictus des dernières années ? La réponse est simple : parce que même quand il se renie, Arteta ne perd pas son objectif de vue. Même quand il fait un pas en arrière, Arteta se prépare pour un futur bond en avant. En fait, le Basque fait précisément ce qu’on attend d’un entraîneur au chevet d’un club malade : il tente d’abord de stopper l’hémoragie, puis sait que viendra le temps de façonner un nouveau visage.

Concrètement, le fait est qu’Arteta a privilégié une révolution de velours plutôt qu’un grand chambardement pour redonner des couleurs à ses Gunners. Prendre le contrôle de la possession et aller de l’avant ? Bien volontiers, mais seulement lorsque l’adversaire n’est pas supérieur dans ce domaine et que le scénario du match l’exige. Bétonner derrière ? Pourquoi pas, même si cela relève de l’hérésie à Arsenal, tant que la victoire est au bout. Contre Liverpool, ainsi, Arteta n’a pas hésité à bouleverser son dispositif à la mi-temps pour tenir un siège assumé jusqu’au bout des ongles lors des 45 minutes suivantes. Et force est de constater que son 5-2-1-2 bizarroïde a fait mouche en privant les Reds de leur liberté sur les flancs.

Une flexibilité tactique à l’œuvre depuis bien longtemps alors que le trop friable 4-2-3-1 a laissé sa place à un 3-4-3 nécessaire pour remédier au fléau de la défense, dans lequel les latéraux Tierney et Kolašinac ont été testés un cran plus bas, tandis que Saka est trimbalé aux quatre coins du terrain. Une flexibilité qui se voit aussi au roulement des troupes : sans volonté d’imposer un vrai onze type, Arteta tente des choses, fait appel à Pépé quand bon lui semble, envoie Lacazette sur le banc pour piquer son orgueil et essaye, en somme, de définir qui peut être le meilleur à tel poste.

Artetôt ou tard ?

Arsenal, donc, navigue à vue et demeure protéiforme, alors qu’Arteta avait juré lors de sa conférence de presse de présentation de lui redonner un ADN clair et net. « Sans identité, tu ne peux pas convaincre un joueur de faire ce que tu veux, rappelait à nouveau l’ancien adjoint de Pep Guardiola à Manchester City dans une interview à Sky Sports en février. C’est la première chose à faire, je pense. Tu dois dire : « Voilà la direction et voilà ce que l’on veut faire. » Puis tu peux commencer à construire. L’identité est le fondement de tout. » Voilà pour la théorie, place à la pratique pour un Arteta qui avait déjà tout prévu : « (Redonner une identité) est un projet à long terme. À court terme, on ne peut pas accomplir tout ce dont ce club a besoin. Arsenal voudrait se battre avec les top clubs d’Angleterre et d’Europe, mais ce n’est pas possible. On est très loin derrière pour le moment. L’objectif est de réduire cet écart, mais cela nécessite de prendre les bonnes décisions et requiert une énorme quantité d’énergie et de dévouement. »

L’énergie et le dévouement, voilà bien deux piliers qu’Arteta a érigés au rang de socle pour lancer son Arsenal sur la voie du renouveau, tout en commençant à poser les bases d’un jeu offensif et fourmillant de passes estampillées Gunners. Certes, les supporters des Gunners ont tôt fait de constater que le projet de jeu dont ils rêvent brille davantage par son application très parcimonieuse et lacunaire. Mais ils remarquent surtout ce changement de paradigme dans l’attitude, ces courses de repli défensif qu’ils ne voyaient pas auparavant, ces appels vers l’avant qui étaient devenus invisibles, ce contre-pressing auquel ils ne sont pas habitués. Contre Liverpool, Arsenal a certes bénéficié de deux cadeaux, mais Van Dijk et Alisson se seraient-ils troués si l’attaque des Gunners n’avait pas mis en route un pressing haut et effectué sans traîner des pieds ?

De manière globale, c’est toute une mentalité et un respect de l’institution qu’Arteta est en train d’instaurer au sein du club. D’un côté, Guendouzi a été placardisé pour son esprit de frondeur et Maitland-Niles mis sur la touche pour un seul retard à l’entraînement, tandis qu’Aubameyang semble avoir balayé ses envies de départ, Lacazette a retrouvé son langage corporel de l’OL et Mustafi ressemble presque à un défenseur de bon niveau. « La première chose était de changer des choses au niveau de la culture, de la façon de vivre ensemble, des comportements et des valeurs que j’attends de la part des joueurs. Je pense que nous avons changé l’énergie au sein du club. Je pense que nous commençons à voir certains signes révélateurs de la façon dont je veux voir l’équipe jouer, se comporter, faire preuve de passion et de dévouement », plaidait Arteta auprès de Sky Sports. Alors bien sûr, l’ancien milieu du club sait que pour passer à la vitesse supérieure, il aura besoin de temps et d’argent – il a récemment encore demandé à ses dirigeants de réinvestir pour les besoins de l’effectif. Pour implémenter pour de bon la fameuse identité qui le démange. Mais en six mois, Arteta a déjà réussi ce qu’Unai Emery n’avait pas su faire en une saison et demie : obtenir l’adhésion à la fois des joueurs et des supporters. Et à Arsenal, ces derniers temps, c’est déjà beaucoup.

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