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Anzhi, l’argent ne fait pas tout

Par Mathieu Faure
Anzhi, l’argent ne fait pas tout

Racheté par un milliardaire russe en 2011, le club de Makhatchkala est apparu subitement sur la scènes football à coups de billets de banque et de recrutement en or massif. Un an après ses premières folies, le club de Samuel Eto'o a-t-il pris son envol ?

26 novembre 2006, il est 15h30 à Nice. La Promenade des Anglais dégueule de joggeurs et de touristes venus passer l’hiver au soleil. En provenance de l’aéroport, une Ferrari Enzo à 600 000 euros foire sa trajectoire et s’encastre dans un arbre. Le bolide s’enflamme. Les passants sont sous le choc. Le pilote sort de la carcasse et se roule dans l’herbe pour éteindre les flammes qui embrasent son corps. Le mec est gravement amoché. On le transporte en urgence au centre régional des grands brûlés de l’hôpital de la Conception à Marseille avant de le transférer en Belgique, à l’hôpital militaire deNeder-over-Heembeek, spécialisé dans les soins aux grands brûlés. Brûlé à 70%, le conducteur s’appelle Suleyman Kerimov. C’est un député russe pété de thunes et proche de Poutine. Durant l’accident, Suleyman n’était pas seul dans sa Ferrari. La belle présentatrice russe Tina Kandelaki était à ses côtés. Jusqu’ici, rien d’anormal. La Côte d’Azur pullule de milliardaires russes venus faire tout et n’importe quoi sur les bords de la Méditerranée.

Sauf que depuis janvier 2011, Suleyman s’avère être le patron de l’Anzhi Makhachkala, un obscur club du Daguestan, dont il voudrait en faire l’un des plus grands d’Europe. Vaste programme. Le Dagues quoi ? Une région russe que personne ne sait placer sur une carte (située la côte occidentale de la mer Caspienne, à 1 400 km au sud-est de Moscou). L’Anzhi, c’est ce club qui n’a pas hésité à balancer 20 millions d’euros annuels sur la table pour arracher Samuel Eto’o à l’Inter il y a un an (en plus des 27 millions d’euros de transfert). Aujourd’hui coaché par Guus Hiddink – un mec qui ne se déplace pas pour un vulgaire SMIC -, le club russe a-t-il réussi le pari de son patron ? Pas vraiment. A coups de millions d’euros, Kerimov s’est pourtant fabriqué une équipe de stars. Eto’o, donc, mais aussi Christopher Samba, Youri Zhirkov; Jucilei, Mehdi Carcela, Mbark Boussoufa ou plus récemment Lacina Traoré, braqué 18 millions d’Euros au Kouban Krasnodar. Pour autant, la mayonnaise met du temps à prendre. Et c’est normal.

La concurrence est féroce

L’an dernier, pour le premier exercice de l’ère Kerimov, l’Anzhi termine la première phase de poules à la huitième place. Pas terrible. Lors de la seconde phase, celle qui détermine le champion national, la bande à Samuel Eto’o termine cinquième. Un siège qui ne donne même pas le droit de se frayer un chemin pour la Ligue des Champions. Certes, on paye pour apprendre mais l’ensemble est trop inégal. Surtout derrière où Joao Carlos et Tagirbekov ne rassurent pas (on comprend mieux le recrutement de Christopher Samba, cet été). D’autant que le club s’est un peu raté sur certains transferts comme avec Diego Tardelli (13 matches, zéro but), vite renvoyé ailleurs. Cet été, l’Anzhi a perdu le détonateur hongrois Balázs Dzsudzsák, vendu au Dynamo Moscou pour 19 millions d’Euros. Dans ce départ, on comprend mieux pourquoi l’Anzhi galère en dépit de la fortune de Kerimov. D’une, le club part de trop loin pour devenir en moins d’un an une locomotive russe. Il y a deux ans, le club évoluait encore en seconde division. Le retard est considérable. Surtout, la concurrence est terrible. Les trois clubs de Moscou (Lokomotiv, Spartak et CSKA) ainsi que le Zénith de Spalletti sont clairement au-dessus. De par leurs infrastructures, leurs passés, leurs centres de formations et leurs présences sur le marchés des transferts. Cet été, chacun a été pêcher du gros poisson (Suarez, Corluka, NDoye, Källström etc.), ce qui rend le top 5 du championnat russe extrêmement compétitif (sans parler du Rubin Kazan).

Alors oui, l’Anzhi va devoir patienter avant de régner sur le football russe. L’arrivée de Guus Hiddink devrait permettre au club d’avancer (dans son staff, le Batave pourra notamment s’appuyer sur un certain Roberto Carlos), pour autant, Kerimov n’abandonnera pas de sitôt son idée. Surtout que cette nouvelle activité de président de football – un hobby lancé par Roman Abarmovitch – fait naître des petits. Dernièrement, c’est à Monaco qu’un certain Dimitry Rybolovlev a posé ses valises. Un mec que Kerimov connaît assez bien. En 2010, au milieu d’un divorce coûteux et médiatisé, Rybolovlev préfère vendre ses parts dans Uralkali (un des plus grands producteurs d’engrais potassique du monde) à Suleyman Kerimov contre 6,5 milliards de dollars. Tout le monde se connaît, en fait. L’argent des uns atterrit très souvent chez les autres. Un circuit fermé. C’est comme ça, la Russie d’aujourd’hui. En attendant de grimper dans la hiérarchie russe, l’Anzhi a entamé sa campagne officielle de Ligue Europa avec un Eto’o des grands soirs. Auteur de deux buts et une passe décisive, l’ancien joueur du Barça a été le grand artisan de la qualification de l’Anzhi Makhachkala pour le troisième tour préliminaire de l’Europa League, jeudi dernier sur le terrain du Honved Budapest (0-4, aller : 0-1). On est encore loin des soirées européennes de C1 mais l’apprentissage passe par là.

Par Mathieu Faure

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