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  • Un jour, un transfert
  • Épisode 3

Ángelos Charistéas : Un Grec perdu en Provence

Par Raphaël Brosse
Ángelos Charistéas : Un Grec perdu en Provence

Cet été pendant le mercato, So Foot revient chaque jour de la semaine sur un transfert ayant marqué son époque à sa manière. À l’occasion du troisième épisode, retour sur l’arrivée inattendue d’Ángelos Charistéas à l’AC Arles-Avignon, en août 2010. On se demandait alors ce que l’attaquant grec, buteur victorieux en finale de l’Euro 2004, venait faire chez un promu en L1 aux moyens plus que limités. Il n’a pas tardé à se poser la même question.

Dans l’imaginaire collectif des passionnés de foot, il est des noms qui, pour toujours, resteront associés à un moment bien précis. Marco Materazzi, par exemple, renvoie irrémédiablement au coup de boule de Zinédine Zidane, alors que Luis Arconada ne se départira jamais de sa terrible faute de main face aux Bleus de Michel Platini. Cette vérité vaut aussi pour Ángelos Charistéas. Il faut dire que l’attaquant d’1,91m a été la figure de proue de l’un des plus gros braquages de l’histoire, à savoir la victoire de la Grèce lors de l’Euro 2004. Au sein d’un collectif infaillible, le joueur alors âgé de 24 ans est devenu le héros de tout un peuple en inscrivant le seul but de la finale, face à un Portugal vaincu chez lui et inconsolable (0-1). Voilà donc LE fait d’armes de la carrière du natif de Serrès, qui a connu moins de moments glorieux en club. Passé par le grand Werder Brême, l’Ajax Amsterdam, le Feyenoord Rotterdam ou encore le Bayer Leverkusen, il n’a jamais bouclé une saison de championnat à dix buts ou plus. Pas sensationnel pour un pur numéro 9, certes davantage reconnu pour ses qualités de joueur de fixation que pour ses talents de finisseur, et par ailleurs victime de pépins physiques récurrents. À l’été 2010, il est poussé vers la sortie par le FC Nuremberg et opte pour un point de chute étonnant : l’AC Arles-Avignon.

Salade provençale

C’est là, aux portes de la Camargue, que se trouve la curiosité de la saison de Ligue 1 qui s’ouvre. Car oui, après deux montées successives, l’ACAA a réussi le remarquable tour de force de se hisser dans l’élite du football français, et cela pour la toute première fois de son histoire. Le promu a beau disposer de moyens financiers très limités et d’infrastructures vétustes, son nouveau président, Marcel Salerno, voit les choses en grand. L’homme d’affaires profite de l’intersaison pour remplacer les cadres de l’effectif par un casting plus clinquant. « Le président adorait avoir des noms, raconte Benjamin Psaume, l’un des rares éléments à avoir été conservé après la montée. Il voulait qu’on parle beaucoup d’Arles-Avignon. En temps normal, le club n’aurait jamais pu aller chercher ces joueurs-là. Mais ce qui les a attirés, c’est de pouvoir mettre un pied dans le championnat français, en espérant ensuite rebondir dans des clubs plus huppés. » Commence alors un gigantesque remue-ménage. De nombreux joueurs s’en vont, et pas moins de 18 recrues débarquent tout au long de l’été, libres ou en prêt. Pêle-mêle, on y trouve des Français expérimentés (Camel Meriem, Yann Kermorgant, Vincent Planté…), deux Espagnols formés au Real Madrid (Álvaro Pérez Mejía, Francisco Pavón), des Algériens venant de Championship (Hameur Bouazza, Kamel Ghilas) ou encore un jeune feu follet au style capillaire bien à lui, prêté par Montpellier et du nom de Rémy Cabella. « C’était un peu n’importe quoi, souffle Psaume. À la reprise de l’entraînement, on n’était que huit. Et trois semaines plus tard, on s’est retrouvés à trente ! Tous les jours, on apprenait de nouveaux transferts. Les gars sont arrivés tardivement, ils parlaient des langues différentes… On ne pouvait pas créer un groupe ou une équipe en si peu de temps. » Ángelos Charistéas, lui, pose ses valises à la mi-août. Il est accompagné par son compatriote Ángelos Basinás, celui-là même qui avait déposé le ballon sur sa tête victorieuse en finale de l’Euro, six ans plus tôt. Au moment de sa présentation, le buteur hellène annonce clairement son intention : « Je viens pour marquer et aider le club à se maintenir. » Il n’atteindra aucun de ces deux objectifs.

J’essayais de lui dire, avec mon anglais approximatif : « Mais qu’est-ce que tu fous là mon gars, à t’entraîner au stade municipal d’Arles ? »

« Signer à Arles-Avignon a été la pire décision de ma carrière »

Benjamin Psaume ne tarde pas à faire connaissance avec son nouveau coéquipier. « Il était super sympa, affirme le milieu offensif formé à Toulouse. Il a commencé à me chambrer en me montrant les vidéos de son but en quarts de l’Euro, contre la France (victoire 1-0 des Grecs, NDLR). Moi, j’essayais de lui dire, avec mon anglais approximatif : « Mais qu’est-ce que tu fous là mon gars, à t’entraîner au stade municipal d’Arles ? » Ça me choquait de voir des joueurs de cette envergure finir ici. »La déception sera à la hauteur de la surprise suscitée par cette arrivée. Charistéas ne dispute que six matchs de Ligue 1 et un autre de Coupe de la Ligue sous le maillot provençal, sans parvenir à inscrire le moindre but. « Il avait le problème typique de l’attaquant : une crise totale de confiance, concède Psaume. Sans être transcendant dans le jeu, il faisait des petites choses intéressantes, mais n’arrivait pas à marquer. Même aux entraînements, c’était compliqué pour lui. Nous, on ne comprenait pas trop, parce qu’on le considérait comme un taulier, un grand avant-centre européen. On était déçus pour lui. » L’histoire se termine bien vite, puisque l’ancien Ajacide résilie son contrat fin novembre. « Au bout de quelques jours, je savais déjà que je ne pourrais pas rester, confie-t-il à L’Équipe quelques semaines plus tard. Je me suis tout de suite senti mal à l’aise. » Avant de dénoncer : « Je n’avais encore jamais vécu une telle organisation au sein d’un club de foot. J’étais habitué à autre chose. Je me suis trompé sur toute la ligne. Je m’en veux beaucoup. Signer à Arles-Avignon a été la pire décision de ma carrière. »

Ces joueurs ont débarqué dans un club qui ne savait pas ce qu’il faisait en Ligue 1, qui d’ailleurs n’avait rien à y faire et n’était pas du tout structuré. Le décalage était trop grand, tout simplement.

Des raisons que Benjamin Psaume ne peut que comprendre. « Nous, on était montés en faisant du bricolage, rappelle-t-il.Ces joueurs, eux, ils avaient connu le caviar auparavant. Ils ont débarqué dans un club qui ne savait pas ce qu’il faisait en Ligue 1, qui d’ailleurs n’avait rien à y faire et n’était pas du tout structuré. C’était catastrophique, on n’avait pas de moyens, rien du tout. Le décalage était trop grand, tout simplement. » Au-delà du cas Charistéas, c’est toute la stratégie de recrutement des dirigeants qui vire au fiasco. Sur le terrain, la mayonnaise ne prend pas, et Arles-Avignon, qui entame sa saison par huit défaites de rang, termine logiquement bon dernier avec un bilan calamiteux (vingt points pris, seulement trois victoires en 38 matchs). Dès la trêve hivernale, plusieurs joueurs emboîtent le pas du Grec et plient bagage. Dont Psaume, « blacklisté » par le président Salerno et mis au placard par Faruk Hadžibegić, qui a remplacé Michel Estevan sur le banc dès octobre. « Je ne reconnaissais plus mon club, que j’aimais tant. Je ne pouvais plus tenir comme ça, avoue celui qui évolue désormais en amateur avec Le Grau-du-Roi, dans le Gard.Tout ce qu’il ne faut pas faire quand on monte, Arles l’avait fait. » Après sa parenthèse provençale, Ángelos Charistéas est brièvement apparu en Ligue des champions avec Schalke 04, a conclu sa carrière de joueur à Al-Nassr en 2013 et a occupé un poste de directeur du football à l’Aris Salonique (2019-2020). L’AC arlésien, pour sa part, est retombé bien bas, en Régional 2. Début mai, son succès 22-1 face à Septème n’est pas passé inaperçu. Une autre manière de défrayer la chronique.

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Par Raphaël Brosse

Propos de Benjamin Psaume recueillis par RB, ceux d'Ángelos Charistéas issus du Dauphiné Libéré ou de L'Équipe.

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