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Amel Majri, le soin de côté

Par Mathieu Rollinger
Amel Majri, le soin de côté

Numéro 10 et latérale gauche de l'équipe de France, Amel Majri est la plus-value technique des Bleues dans son couloir. Pour sa deuxième Coupe du monde, la Lyonnaise espère laisser derrière elle les échecs passés, pour « reprendre le flambeau et essayer de gagner un titre ». Et c'est quelqu'un qui a persévéré pendant quatre années d'affilée pour décrocher son bac qui vous le dit.

Si l’envie vous prend de claquer un poker, un yam’s ou un kem’s avec Amel Majri, sachez-le : avec elle, les paires ne sont pas faites pour rester ad vitam les unes avec les autres. Car dans le grand jeu de cartes du foot, la Lyonnaise s’est déjà amusée à en dépareiller au moins deux. Une directement dans la main de Corinne Diacre, puisque son repositionnement en 2017 en tant que latérale gauche de l’équipe de France semble avoir bouché les perspectives d’Estelle Cascarino (1 sélection) de faire son trou aux côtés de sa jumelle Delphine. L’autre directement dans son cercle familial. Car Amel a elle aussi une sœur jumelle, prénommée Rachida, née comme elle (ce qui est on ne peut plus logique) le 25 janvier 1993 à Monastir, et débarquée près d’un an plus tard avec leur mère aux Minguettes. C’est dans ce quartier de Vénissieux, qui a vu aussi grandir Luis Fernandez, que les deux Tunisiennes ont cultivé leur passion pour le foot. Des restes de vacances passées au bled, où un tonton leur a filé à 4 ans un ballon comme on transmet une vieille console à un petit cousin, avant de s’user les doigts de pied sur ce même ballon dès la rentrée de septembre.

Pourquoi j’ai mangé ma sœur

La cassette était insérée dans le lecteur, il n’y avait plus qu’à presser « play » . Et c’est d’abord en duo et dans la rue que Rachida et Amel esquintent le cuir. Mais les filles, dans leur gémellité, partagent également une latéralité : elles sont toutes deux gauchères. Et quand, gamine, il a fallu jouer des coudes pour se montrer — encore plus que les autres quand on est des filles —, l’une des deux s’est sacrifiée et a décidé de jouer du pied droit, « pour ne pas être comme [sa] sœur » . Cause à effet ou non, seule Amel se fera repérer à 12 ans par l’AS Minguette. Rachida, elle, ne jouera que très tard en club, passera tout de même par la réserve de l’OL, mais ne percera jamais. Cette compétition sororicide pourrait expliquer pourquoi il n’y a pas deux Majri aujourd’hui au haut niveau.

Pourtant, Rachida et Amel auraient très bien pu cohabiter. Mieux : étant donné la polyvalence de la seconde, c’était peut-être plus à elle de s’essayer sur le côté droit. Car une dizaine d’années plus tard, Rachida est salariée dans un club de foot rhodanien, l’ES Genas, alors qu’Amel est milieu gauche offensive de l’Olympique lyonnais depuis 2011, avec 21 titres au compteur, dont 9 championnats de France et 5 Ligues des champions, mais aussi latérale gauche des Bleues. Un rôle que Corinne Diacre lui a confié dès sa prise de fonction, pour profiter de sa caisse en défense, mais aussi de sa technique dans une zone où l’on cherche à créer le déséquilibre. Et tant pis si ce n’est pas son poste de prédilection. « Même dans ce système, je peux quand même monter. Puis, c’est l’équipe de France, j’ai envie de jouer. Même gardienne, je serais prête » , jurait-elle au Monde. C’est dire son abnégation pour finir par faire l’unanimité aujourd’hui chez les Bleues.

« Je suis restée chez mes parents jusqu’à mes 20 ans »

« Amel, c’est la technique et la gestuelle, décrivait Amandine Henry à L’Équipe. Elle a trois poumons, elle peut faire des allers-retours sur le terrain jusqu’à la dernière minute. » Des qualités qu’elle a étalées sous les yeux du Parc des Princes en ouverture contre la Corée du Sud (4-0), où son fameux pied gauche a fait des étincelles. Celui-là même que cette fan de Ronaldinho faisait travailler dans les rues de la banlieue lyonnaise, en crochetant les feuilles mortes. À 26 ans, elle compte parmi les cadres, car embarquée sous la tunique bleue depuis 2013 et étant de l’aventure au dernier Mondial canadien (même si sa main dans la surface a permis aux Allemandes d’égaliser dans le quart fatal aux Bleues), mais vit encore tout ça avec la fraîcheur d’une novice. D’où le rôle de relais intergénérationnel qui lui est confié. Si Amel dénote, avec son grand sourire pour cacher sa pudeur, c’est parce qu’elle ne sort pas d’un moule. « Je ne suis pas passée par Clairefontaine comme tant d’autres, racontait-elle. J’ai un parcours un peu atypique, marqué par un fort ancrage. Je suis restée chez mes parents jusqu’à mes 20 ans. »

Amel Majri est du genre à absorber toutes les composantes de son identité, pour l’interpréter de manière spontanée, en s’affranchissant des codes et des clichés. Ainsi, le quartier des Minguettes, celui qui « marque au fer rouge » , Amel en fait une force. « Que je vienne du quartier ou pas, pour moi, je profite à fond, assurait-elle lundi face à la presse. Je suis contente de tout ce qui m’arrive. C’est une fierté, les petites qui me suivent sont fières de moi. » Ses origines tunisiennes ? Elle en est fière. Si bien qu’elle a disputé avec la Tunisie ses deux premières rencontres internationales, en U20, avant que la France ne lui offre la possibilité de représenter son « autre pays » . Et ce revirement n’est en rien « pour les raisons que certains évoquent souvent, les filles peuvent jouer au foot dans les pays maghrébins » , assure-t-elle. « Ce n’est pas si fermé, c’est juste qu’ils n’y sont jamais allés. »

Plus que des tours dans son sac

Non, si elle est en équipe de France, c’est plutôt grâce à l’intervention de Patrice Lair, alors entraîneur de l’OL, qui a tiré par la manche Philippe Bergeroo pour qu’il surveille dès 2013 cette « pépite » qui venait d’obtenir sa nationalité française. L’OL justement. Malgré la grande famille que promeut Jean-Michel Aulas, il fallait en avoir du talent, pour que cette pure Fenotte, arrivée à 14 ans au club, finisse par s’imposer au milieu des joueuses internationales. Meilleure joueuse de D1 en 2016, 22e meilleure joueuse de la planète selon le Guardian en 2018, 13e au Ballon d’or, Amel Majri fait partie du gratin. Une belle expérience et un statut qu’elle mettra au service des Bleues pour la suite de ce tournoi à la maison, où elle « ne préfère pas calculer » puisqu’il « faut gagner contre tout le monde » . Le seul moyen pour avoir le droit de s’offrir un kif : « Si je gagne la Coupe du monde, je la ramènerai au quartier et la montrerai à tout le monde. » Et Rachida sera forcément là.

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Par Mathieu Rollinger

Propos d’Amel Majri recueillis par Le Monde, France.tv Slash et Julien Duez à Nice.

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