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Almoez et Afif, le kif qatari

Par Mathieu Rollinger
Almoez et Afif, le kif qatari

Si les stades pour le Mondial 2022 ne sont pas encore tous construits, le Qatar montre lors de cette Coupe d’Asie que les travaux concernant son équipe sont en revanche bien avancés. Pour se hisser jusqu’en finale – que le Qatar va disputer ce vendredi face au Japon (15h à Abu Dhabi) –, la sélection de Félix Sánchez s’est appuyée sur deux cracks : Almoez Ali (8 buts) et le passeur Akram Afif (8 passes décisives).

Sepp Blatter savait que lorsqu’il ouvrirait l’enveloppe, le nom dévoilé allait forcément créer un débat beaucoup plus large qu’un bout de feuille A5. Ainsi, le 2 décembre 2010, c’est le Qatar qui se voyait désigné organisateur de la Coupe du monde 2022. Le départ d’une vraie course contre la montre. Car en plus des interrogations inhérentes à une possible magouille, les conditions d’accueil de la compétition en plein désert et la construction des infrastructures, c’est aussi la question du niveau sportif de la future sélection hôte qui était sur toutes les lèvres. Oui, le Qatar est un tout petit pays de foot. Mais seulement huit ans plus tard, voilà Al-Annabi en finale de la Coupe d’Asie des nations. Et avant d’affronter un Japon favori, ils présentent un bilan de 16 buts marqués pour aucun encaissé. Solide pour une équipe partie de pas grand-chose.

Made in Qatar

En parallèle de cette fulgurante réussite sportive, deux joueurs ont attiré tous les regards. Deux gamins de 22 ans jouant aux postes offensifs. Ils s’appellent Almoez Ali et Akram Afif. Aux Émirats arabes unis, le premier a marqué huit buts dans la compétition et a déjà égalé le record établi par l’Iranien Ali Daei en 1996, ainsi que le nombre de buts inscrits en un match. À savoir un quadruplé, un après-midi de démonstration qatarie face à la Corée du Nord (6-0). Le 13 janvier dernier, au stade Cheikh Khalifa d’Al-Aïn, l’attaquant faisait étalage de toute son efficacité, mais aussi de sa relation particulière avec Akram Afif. Ce dernier, gaucher élégant, a servi son coéquipier sur trois de ses quatre réalisations, et culmine aujourd’hui à huit passes décisives en six matchs — dont trois lors de la demi-finale mardi contre les Émirats arabes unis. Très costaud. Oui, ces deux-là sont les hommes-clés de l’équipe nationale du Qatar et ont de grandes chances de l’être encore au Mondial 2022.

D’autant plus que ces pépites sont exactement celles que cherchait à produire le Qatar. À l’inverse du handball où la formation a été négligée au détriment de naturalisations à gogo afin d’être au top à « son » Mondial 2015, l’émirat a échafaudé un plan pluriannuel pour que ses footballeurs aient le temps de progresser et d’être compétitifs d’ici trois ans. Et Afif et Almoez sont deux garçons du cru et ont tous les deux grandi au Qatar. Almoez Ali est certes bien né à Khartoum, capitale du Soudan, mais — n’en déplaise aux voisins des Émirats arabes unis qui contestent administrativement son éligibilité — est arrivé enfant sur les bords du Golfe arabique. À l’âge de 7 ans, il jouait à Al-Mesaimeer, avant d’intégrer à 9 ans Aspire Academy. C’est d’ailleurs dans ce centre d’excellence sportive, usine à champions du Qatar, qu’il rencontre quelques années plus tard Akram Afif, pré-formé à Al-Sadd. Lui est né à Doha, d’une famille yéménite et de footballeurs : son frère aîné Ali joue à ses côtés en sélection, alors que son père a transité par la Tanzanie, la Somalie — où il a joué pour l’équipe nationale — et donc le Qatar dans les années 1980. Et c’est peu dire que la pépinière Aspire a porté ses fruits, puisque les deux lascars étaient les leaders d’une génération qui a décroché le titre de champion d’Asie U19 en 2014. Une sélection menée par le Catalan Félix Sánchez Bas, actuel patron des A. Tout était donc prévu.

Classes vertes en Europe

Au programme d’Aspire, il est entendu que les aspirants puissent ensuite s’aguerrir et continuer leur apprentissage en Europe, dans des clubs partenaires ou qu’ils ont acquis. Ainsi, Almoez Ali a été successivement baladé entre Eupen (Belgique), deux clubs autrichiens (LASK Linz et Pasching) et en Espagne à la Cultural Leonesa, avant de revenir en 2016 au pays. Des clubs de seconde zone, où il a pu avoir un aperçu du fonctionnement d’un club professionnel. Aujourd’hui diplômé de l’académie, il évolue à Al-Duhail en attendant qu’un club européen ne s’intéresse à lui. Cette Coupe d’Asie pourrait être le coup de projecteur dont il avait besoin. José Mourinho a pu admirer ses qualités. « Il est coordonné, agile, rapide. Il bouge très bien et n’est pas nerveux quand il faut finir devant un gardien » , commentait le Portugais pour beIN Sports. Pas un mince compliment quand on est surnommé le « Ronaldo qatari » .

Pour Akram Afif, les choses sont allées bien plus vite et bien plus loin. À 15 ans, il met le cap sur l’Espagne et le FC Séville en prêt, et à sa majorité, c’est en Belgique, au KAS Eupen, qu’il découvrira le monde pro. Florian Taulemesse y était son compère d’attaque. Aujourd’hui à Larnaca, le Français n’est absolument pas surpris des dernières performances de l’ailier. « Moi, je suis fan, assure-t-il. C’est un diamant brut, qui a encore une belle marge de progression. Il aurait sa place dans une grosse équipe française. » Impressionné par sa vision du jeu, sa technique et sa vitesse balle au pied, l’attaquant se souvient d’un type capable de terminer un contre de 80 mètres en solitaire d’une pichenette au-dessus du gardien. Et malgré la présence de trois autres Qataris dans l’effectif, Akram n’était pas du genre à rester dans son coin. « C’est une personne très ouverte, continue Taulemesse. On est allé manger plusieurs fois ensemble, il venait à la maison ou se promener avec ma famille. Un super bonhomme. »

Xavi conquis

Akram Afif est d’ailleurs reconnu par la plupart des spécialistes comme le plus grand talent que possède le Qatar. Il est le seul joueur de l’équipe nationale à être sous contrat avec un club européen, Villarreal. Le « sous-marin jaune » l’a fait signer en 2016, pour mieux le prêter dans la foulée. Après Gijón et un nouveau passage à Eupen, le garçon est revenu l’an dernier au Qatar pour préparer la Coupe d’Asie. Dans son premier club d’Al-Sadd, il évolue aux côtés de Gabi et de Xavi, qui ne cessent d’être laudatifs à son propos, validant ainsi les méthodes de la « Masiá émiratie » . Il n’y aura besoin que d’un petit signal pour qu’Afif ne fasse son retour en Espagne et confirme les progrès étalés ce mois-ci. Surtout que c’est en plaçant un de ses joueurs sur le long terme dans un bon club européen que le Qatar pourra se frotter aux plus grandes sélections en 2022. En novembre dernier, Al-Annabi a ainsi accroché à son tableau de chasse sa première sélection du top 10 mondial, en amical. La Suisse avait alors été défaite sur un but d’Akram Afif. Évidemment.

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Par Mathieu Rollinger

Propos de Florian Taulemesse recueillis par MR.

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