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- 28e journée
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Alessandro Diamanti, meilleur 10 d’Italie ?
À l'heure où les techniciens italiens sont plutôt réticents à l'idée de confier les clés du jeu à un seul homme, Alessandro Diamanti, porte étendard de Bologne la séduisante, réinvente le poste avec son style particulier. Problème : pas grand-monde ne s'y intéresse. Dommage, vraiment dommage.
« Ce qui va leur manquer : de la notoriété. Bologne a beau pratiquer un football héroïque, tout le monde s’en fout comme de sa dernière sauce. » On l’avait annoncé avant même que la saison ne débute, et on ne s’était trompé sur aucun tableau : Bologne pratique bien un joli football sur cet exercice, mais personne ne le soupçonne. En vrai, Bologne, c’est l’équipe qu’on mate lorsqu’il n’y a rien d’autre à la télé, lorsque qu’elle affronte une grosse écurie à 12h30. Une logique guidée par les résultats : club historique de Serie A – sept Scudetti, bien que le dernier remonte à cinquante ans – Bologne n’a pour unique objectif, depuis sa remontée dans l’élite en 2008, que le maintien. Équipe du ventre mou par excellence, elle se situe, aujourd’hui encore, à la 11e place au classement. D’où un faible sex-appeal. Ce qui est bien dommageable, surtout pour certains de ses membres dont le talent mériterait qu’on y prête plus attention : le coach Stefano Pioli, l’un des meilleurs techniciens de la Botte, Alberto Gilardino, ce buteur retrouvé, Panagiotis Kone, le spectaculaire. Et surtout, surtout, Alessandro Diamanti. Le capitaine, meneur d’hommes et de jeu, passeur, récupérateur, artilleur. Diamanti est Bologne. Chaque week-end, il éparpille les reins, caresse le ballon comme peu, multiplie les gestes de classe. À l’abri des regards, le numéro 23 à la dégaine de clochard est simplement en train de confirmer ce dont on se doutait déjà l’année dernière : il est le meilleur trequartista du championnat italien. Et de loin.
L’Euro, parenthèse de visibilité
Car déjà la saison passée, Alessandro Diamanti avait surpris. Joueur venu de la gavetta, des divisions inférieures, il avait réalisé une belle saison, reprenant à Bologne le flambeau d’un Marco Di Vaio à bout de souffle. Problème, dans un football moderne qui s’intéresse davantage aux statistiques qu’à l’influence d’un joueur sur le terrain, Diamanti est banalisé par ses 7 buts et 7 assists en 30 matchs. De telle sorte que sa dégaine atypique – tatouages et cheveux gras – n’est réellement découverte qu’à l’Euro polono-ukrainien. Avec un certain scepticisme de la part des spécialistes. Pour son âge, surtout : à 29 ans, Diamanti est révélé sur le tard. Pour son parcours, ensuite : avant Bologne, Alino – de son surnom – a connu Brescia, West Ham, Livourne. Des expériences abouties, mais pas de grosses écuries. Tant pis, Cesare Prandelli, lui, flaire le bon pari. Pari qui s’avèrera gagnant : plus que d’avoir marqué le but libérateur sur la séance de péno face à l’Angleterre, Diamanti a eu une belle influence sur la Nazionale. À chacune de ses entrées, on a pu constater que l’équipe montait d’un cran, retrouvait un second souffle. Sorte de super sub ignorant la pression, Alino a fait de sa première expérience internationale une réussite. De quoi regagner l’anonymat de l’Émilie Romagne avec satisfaction. Avec le départ de Di Vaio et la suspension en début de saison de Portanova, il récupère déjà le brassard de capitaine. Tandis qu’un autre envol, celui de Gastón Ramírez, précipite un remaniement de dispositif qui lui sera profitable : du 3-4-2-1 au 3-4-1-2, le numéro 23 se voit en effet confier les clés par coach Pioli. De quoi franchir une nouvelle étape.
Autant de poumons que de tatouages
Reste donc à décrypter le Diamanti titulaire. Un joueur intéressant, pour ne pas dire unique : malgré son positionnement, le type est partout. Battant dans l’âme, jouissant d’une totale liberté de mouvement, il presse à chaque perte de balle, descend très bas pour récupérer la gonfle. Inusable, il joint au brassard l’attitude appropriée. Mais outre cette caractéristique particulière, et la classique panoplie du 10 – qualité technique, vision du jeu – le point fort d’Alino demeure la frappe de balle. Peu dire que la précision et la variation de ses frappes, centres et coups de pied arrêtés, sont incroyables. Meilleure patte gauche du championnat italien, Diamanti l’est assurément. Pas difficile, direz-vous, à l’heure où le championnat n’est plus caractérisé par ces 10 classieux qui guident le jeu de leurs équipes. En vrai, il n’y en a plus guère. Hamšík, peut-être. Plus talentueux, bien moins régulier et battant. Et peut-être encore moins influant. Diamanti, ce mec capable de sortir son équipe de la torpeur en une touche de balle, joint aux faits les statistiques, cette saison : en 25 rencontres disputées, il a déjà marqué 7 buts et distillé 10 passes décisives. Des délices.
Et de quoi commencer à attirer, enfin, quelques regards. Si ce n’est ceux du grand public, ceux des spécialistes. Là où Arrigo Sacchi l’aura qualifié « d’excellent joueur » après une balade au Dall’Ara, le talent rossoblù est déjà assuré d’être l’une des principales cibles du mercato estival. Avec en tête du cortège des prétendants, l’Inter. Devant le Zénith, la Juve, la Lazio. Apparemment, les scouts ont capté. Mais si l’intérêt de grands clubs « fait plaisir » au principal intéressé, ce dernier devra encore faire face à un dilemme. Partir découvrir un grand club mais batailler pour une place de titulaire, ou rester en Émilie pour continuer ses prouesses dans l’ombre, et devenir une bandiera. Concept italien du « un homme, un club » qui a du charme, mais s’essouffle bien malheureusement au fil des années. Pellissier au Chievo, Miccoli à Palerme, Di Natale à l’Udinese… Ces bandiere, ces hommes fidèles qui portent leurs clubs à bout de bras, se font vieillissants. Diamanti, qui a récemment prolongé son bail jusqu’en 2017, en adopte déjà le profil. Discrètement.
Par Alexandre Pauwels