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Alain Giresse : « On est Girondins, on restera Girondins »

Propos recueillis par Timothé Crépin

Légende des Girondins de Bordeaux, un club qui ne ressemble plus à ce qu'il a connu, Alain Giresse encaisse la nouvelle d'une rétrogradation administrative avec une grande tristesse. Et l'inquiétude de ne plus retrouver la gloire passée.

Alain Giresse : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>On est Girondins, on restera Girondins<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Les Girondins de Bordeaux seront en National, au minimum : quel premier sentiment domine chez vous ? De la tristesse. Ce n’est pas de la déception, c’est une tristesse infinie. Voir le club qui dégringole comme ça, qui va se retrouver en National… Ça ne devait pas faire partie de l’histoire du club. On peut avoir des hauts et des bas, des moments glorieux et plus difficiles. Mais, là, quand même… On a franchi un palier.

Où imaginez-vous tomber vos Girondins ? On ne peut pas imaginer le pire. Le National, ça veut dire que le club reste toujours en vie. Qu’il disparaisse complètement, ce serait très compliqué… On passe notre temps à espérer.

Ce qui se passe aux Girondins, est-ce une tache indélébile sur la grande histoire de ce club ? Oui… Même s’il ne faut pas être non plus désobligeant vis-à-vis du National, des clubs qui y sont. Disons que ce n’était pas envisageable pour un club comme les Girondins de Bordeaux. Il est monté en puissance dans les années 1980, s’est installé, a bâti un socle, avec une identité forte, spécifique à la région et à la ville… Il y avait une assise. Tout d’un coup, ça s’est totalement dégradé, pour en arriver là. Il avait acquis une dimension qui faisait dire que ce club devait finir au maximum dans la deuxième partie de tableau de Ligue 1. Jamais plus bas, même pas en D2. Imaginez-vous le Real Madrid, le Barça, les grands clubs se retrouver en D2 : non ! Ils maintiennent un certain niveau. Bordeaux était dans la catégorie où il pouvait maintenir un certain niveau.

Les féminines sont descendues, la réserve a été rétrogradée en Régionale… Il y avait une forme de délabrement du club. Et ça, c’est la responsabilité de ceux qui sont aux commandes.

Alain Giresse

En voulez-vous à Gérard Lopez ? On ne va pas refaire l’histoire… La prise du club par King Street, les Américains, qui abandonnent ensuite… Souvenez-vous : ce qui se passe aujourd’hui, on a cru que cela se produirait il y a trois ans. Le club a été repris. Donc on ne peut pas dire que ce soit le fruit du hasard ou de la faute à pas de chance. Sur le plan sportif, les dirigeants ont leurs responsabilités sur le résultat final, à savoir que les Girondins n’avaient pas les capacités à finir dans les deux premiers de Ligue 2. En plus de ça, les féminines sont descendues, la réserve a été rétrogradée en Régionale… Il y avait une forme de délabrement du club. Et ça, c’est la responsabilité de ceux qui sont aux commandes.

Qu’est-ce que cela vous inspire pour toute cette région ? Ça fera un vide énorme. Chaque club a un mode très particulier, spécifique, qui correspond à sa région. Les Girondins avaient pris une dimension dans cette ville. Pas de façon aussi exubérante qu’à Marseille par exemple, mais il y avait une reconnaissance. Ce club avait un statut, c’était un patrimoine de la ville et de la région. Il y avait cette fierté-là. J’ai évolué lors des belles années, je vois ainsi l’accueil que j’ai lorsque je suis dans la ville. Regardez les 100 ans du stade (Lescure / Chaban-Delmas, fêtés le 14 mai dernier en présence de tous les glorieux anciens, NDLR)… En deux jours, le stade était à guichets fermés. Avec une osmose entre tout le monde, un état d’esprit. On a retrouvé, ce jour-là, ce qui était notre slogan et qui devrait toujours l’être : l’esprit girondin. Tout était lié. On s’en est éloigné énormément.

Qu’avez-vous envie de dire aux amoureux des Girondins ? Qu’on est Girondins, toujours. Qu’on est Girondins et qu’on restera Girondins. Je l’ai vu le 14 mai : on est toujours là, cette fibre girondine est là. C’est la matière pour repartir. Mais, au-dessus, il faut que cela se fasse et que cela puisse entraîner tout ce monde-là à la remise en route, à la remontée.

Vous ne pouvez pas reprendre un club sans négliger ce qu’il est, son histoire et ce qui lui convient.

Alain Giresse

La clé du renouveau et d’une remontée sera de construire autour de cette identité ? On évoque souvent ça : ce côté régional. Je pourrais dire oui. Je vois des grands clubs étrangers qui sont détenus par des gros groupes, mais qui maintiennent la culture, l’histoire. Quand on voit un Real Madrid par exemple, on est en effet avec des gens du cru, très enracinés, oui. On ne peut pas y arriver sans ça. L’historique du club a une certaine valeur. Ce n’est pas ça qui fait qu’on marque des buts et qu’on gagne des matchs. Mais il y a quelque chose… Le club, c’est un ensemble, avec toute cette sphère autour. Vous ne pouvez pas reprendre un club sans négliger ce qu’il est, son histoire et ce qui lui convient. C’est facile de parler, oui. Mais la recette est aussi d’avoir la possibilité de faire face aux exigences du football, avec une structure sur le plan sportif, et une équipe à la hauteur.

Jouer un rôle dans ce nouveau Bordeaux : vous dites oui ? Je n’ai pas la baguette magique… Je suis un observateur, un supporter. Personne ne m’enlèvera l’attachement viscéral que j’ai à ce club. Pourquoi pas, mais je ne veux pas mettre ça en avant. On va dire que je suis un opportuniste : pas du tout. Tous les bons esprits seront les bienvenus.

Vous arrive-t-il de repenser aux doux souvenirs pour tenter d’oublier ce moment douloureux ? Nos souvenirs heureux, ils sont écrits à vie, rien ne pourra les détruire. Le présent n’efface pas le passé. Mon histoire avec les Girondins restera, quoiqu’il se passe. Même si je ne peux que déplorer la situation actuelle. Aujourd’hui, on ne peut qu’espérer une remontée. Ce ne sera pas si simple que ça. Il va falloir de la persévérance, de la détermination, du courage. Retrouver un peu ce qui fait le club. Et qui a été mis de côté.

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